Un jardin japonais à l’Hôtel des ventes Drouot à Paris
A Paris, le quartier de la Bourse abrite la plus grande place des ventes aux enchères au monde. L’Hôtel Drouot, c’est une dynamique de plus de 5000 visiteurs quotidiens. Amateurs comme acheteurs aguerris, ils viennent acquérir, découvrir ou regarder tomber le marteau du commissaire priseur.
Des « adjugés » qui ont marqué l’histoire, du Penseur de Rodin aux ventes d’objets insolites, l’établissement est un fantastique passeur de culture qu’il ouvre à tous par le biais de l’art.
S’il est l’endroit des mises en scènes théâtrales avec ses codes, son langage, ses décors et les shows des crieurs, l’Hôtel Drouot pourrait aussi détenir son jardin secret où il cultiverait l’art de la contemplation et de l’apaisement.
En levant les yeux, on peut en effet sentir la caresse des rayons du soleil provenant des verrières ornant le plafond. Là-haut, au-dessus des œuvres d’art et de l’agitation, repose un écrin de verdure.
Un jardin de ceux qu’abrite la capitale in petto, et dont l’architecte paysagiste Wilfrid Deydier a présenté un projet de composition et de remodelage.
Climatiser Drouot, en toute élégance
L’Hôtel Drouot se dotant d’un nouveau système de climatisation, la question était de savoir comment intégrer de façon esthétique les aéro-refroidisseurs sur cette terrasse.
La réponse s’est trouvée dans la création d’un bâtiment où ils seraient discrètement placés.
Modules de 6 ou 9 ventilateurs, les aéro-ventilateurs nécessitent des centaines de M2 d’air pour fonctionner.
C’est ainsi que la volumétrie générale du corps de bâtiment a été calculée de manière à ce qu’il offre un apport d’air suffisant pour alimenter les imposants cubes de climatisation.
Avec des meurtrières pour en assurer l’aération.
Conçu en tek avec une toiture zinguée et couverte d’un treillage de type topiaire sur laquelle bourgeonne de la glycine, ce bâtiment allierait ingénieusement fonctionnalité et matériaux naturels en harmonie avec l’ensemble du projet.
Le jardin sec de l’Hôtel Drouot
En contraste avec l’agitation qui se joue à ses pieds, Wilfrid Deydier a voulu un jardin paisible. Avec toutefois un lien étroit avec les salles des enchères en ravissant lui aussi ses visiteurs par les arts qu’il donne à voir.
Spécialiste passionné des jardins japonais, l’architecte paysagiste dessine pour l’Hôtel Drouot un jardin interprétant et idéalisant la nature en limitant les artifices. Dans la pure tradition japonaise, il compose, tout autour du bâtiment dissimulant les aéro-ventilateurs, un jardin sec en harmonie avec un jardin végétal.
Le jardin minéral aussi appelé karesansui en japonais est marqué par l’absence d’eau. Alors celle-ci est suggérée par le sable ou le gravier où sont dessinés au râteau en bambou des motifs de vagues.
Si le bâtiment en tek symbolise une île, le gravier blanc dit jari est ici une mer de sable. De laquelle émergent des ilots représentés par des roches minutieusement choisies selon leurs formes et leurs tailles puis disposées de manière à guider le promeneur dans sa méditation.
Le jardin végétal de l’Hôtel Drouot
Le jardin japonais est travaillé comme un tableau. Sur le principe des miniatures chinoises, l’artiste introduit différents niveaux de profondeurs avec des effets de perspectives.
On y trouve généralement 3 profondeurs :
le premier plan, le plan intermédiaire et le plan lointain qui donnent à voir une image différente selon l’endroit où se trouve le spectateur.
Concrètement, cela se traduit par la composition et la recherche de différentes tonalités de verts, semées de touches colorées.
Afin de dissimuler les limites réelles du jardin et d’en donner une impression de dimensions infinies, la mer de sable est bordée d’un jardin végétal. L’architecte paysagiste choisira de préférence une végétation foncée pour donner un esprit théâtral au plan lointain et des plantes au feuillage clair pour le premier plan.
Puis il y a les saisons. A chaque période, le jardin japonais dévoile un nouveau visage, une floraison inédite et des teintes singulières. On y plante donc des arbustes à feuillage persistant qui resteront décoratifs toute l’année.
A côté des pins et du bambou dont les tiges se balancent magistralement avec le vent, l’architecte paysagiste compose des explosions fleuries qui seront des pépites colorées sur un fond de verdure.
Les azalées ou le rhododendron par la beauté et la multitude de leur floraison y ont une place de choix. Les variétés les plus précoces telles les azalées de Kurume forment un véritable coussin de minuscules fleurs de 2 cm de diamètre, rouges ou roses.
D’autres hybrides, à fleurs plus importantes, ont une éclosion plus tardive en mai juin, dans une gamme de coloris allant du lilas (Beethoven), au rose (Célimène ou Vuyk’s Rosyred) à l’écarlate (Vuyk’s scarlet) sans oublier les oranges saumonés (Orange Beauty). D’autres variétés comme les azalées Mollis, les azalées Knap Hill et Exbury sont également appréciées pour leur palette de coloris se déclinant du blanc pur au rouge carmin.
Et pour un voyage olfactif, il existe les azalées de Gand ou azalées Pontiques qui, bien que possédant des fleurs assez moyennes, ont une floraison délicieusement parfumée.
Pour un jardin hivernal, le paysagiste optera pour des camélias dont la coloration soutenue de ses fleurs qui éclosent en janvier contrastera magnifiquement avec l’opaline céleste.
Wilfrid Deydier propose aussi de garder de l’ancien jardin certains arbres à hautes tiges et le buis qui est un arbuste d’origine japonaise. Il imaginera cet éventail naturel autour d’une des verrières qui serait conservée au sein du projet, parce que plutôt que de le remplacer, le jardin japonais doit s’unir avec l’ancien site sur lequel il fleurit.
Le paysagiste dispose également dans la tradition du jardin de thé des lampes en grès taillé sur lesquelles il ajoute des points d’éclairages électriques pour conduire le pèlerin dans sa progression. Décoratifs le jour, ils illuminent le chemin vers la réflexion la nuit.
Quand les enchères se mettent au zen
A l’image de Sotheby’s ou de Christie’s, l’Hôtel Drouot est une salle de ventes mythique à laquelle l’architecte offre le projet d’un jardin hors du commun, hautement symbolique et séculaire.
Choisir de composer un jardin japonais dans cet espace serait introduire la spiritualité au-dessus du spectacle.
Le jardin zen de l’Hôtel Drouot ainsi remodelé inviterait ses visiteurs à la contemplation. La mer de gravier, métaphore de la mer intérieure, mène l’esprit à un niveau extrême d’abstraction. L’architecte paysagiste dessine, de part et d’autre du bâtiment et sur un angle de 45 degrés, un ponton en bois qui, en plus d’offrir divers points de vue au promeneur, mène progressivement à la porte messagère, le Torri.
Ce grand portail rouge représente le passage du monde matériel au monde spirituel.
Erigé traditionnellement à l’entrée des sanctuaires shintoïstes afin de séparer l’enceinte sacrée de l’environnement profane, il est dans le cadre de ce projet l’ultime prouesse de la créativité et des connaissances artistiques pointues de Wilfrid Deydier.
Parce que dans un environnement occidental, il propose à l’Hôtel Drouot d’importer dans ses moindres détails, un jardin zen authentiquement japonais. Démontrant, en écho au célèbre Hôtel des ventes, que l’art n’a pas de frontière, ni de limites : il est universel.